vingt-six juillet deux-mille-vingt-trois

Comment écrire à nouveau une histoire ?..
Je sais d’expérience – l’expérience crue, celle qui retourne les entrailles –, que derrière chaque mot posé se cache une épaisseur insondable, une masse noire opaque gluante marécageuse sordide.
Alors comment écrire à nouveau une histoire ?
Effrayants, sombres, écoeurants les marécages.
Dérisoire de poser quelques mots ? Ils s’enfoncent et se noient dans le magma ?

Certaines histoires – la plupart, celles qui divertissent, la « télé », les films commerciaux, les best-sellers –, certaines histoires sont des tissages épais et hermétiques de mots, des bâches colorées posées sur les marécages. Elles « fonctionnent », ces histoires. Elles recouvrent tout, et ne risquent pas de sombrer.

D’autres histoires, celles qui sont du côté de l’art, de l’œuvre d’art, tissent les mots, les entrelacent, trames légères déposées sur les marécages, dentelles en semi-apesanteur. Elles ne masquent pas, elles montrent davantage encore. Montrent, et subliment, et surmontent, et survolent. Elles montrent le déchirement le tiraillement l’écartèlement d’être ce que nous sommes. D’être ce que je suis, d’être ce que tu es.
Portrait le plus précis de l’humain : lourds marécages et dentelles légères. Menace constante d’étouffement d’asphyxie, et possibles envolées. Écrire une histoire : raconter cela – les envolées surtout, les envolées!..
Peindre cela.
Faire ressentir cela.
Danser cela.