mars – mai 2016 (sur l’écriture…)

 
 

 

22 mars 2016

C’est peut-être cela qui est le moins compréhensible : quand écrire est possible, et que je m’enfuis.

 

6 avril 2016

Écrire – lorsque ce n’est pas écrire des notes, d’entretien, pour un cours, pour un séminaire, lorsque c’est écrire – écrire, et la première lettre tracée lacère les semblants.

 

10 avril 2016

Écrire – quelque chose fait peur, quelque chose retient. Sensation confuse que ce ne sera pas ça. C’est vrai. Ce ne sera pas ça. Si cela ne commence par un meurtre ce ne sera pas ça. 
Peur, parce que ce ne sera pas ça. Pas du meurtre. À présent que le meurtre est là, évident, clair, inéluctable, il n’y a plus de peur.
Pascal Quignard – commencer chaque paragraphe, courts pour la plupart, par une incise, du tranchant.
Gabily – écrire le tranchant de la vie, constamment, quand bien même la lecture serait à peine supportable. Elle ne l’est même pas, même pas supportable. Trop de vérités. Trop de chair lacérée.
Ne plus avoir peur. Prendre le stylo, et tuer.

 

11 avril 2016


Et puis tout de même. Tout de même je ne peux pas. On ne choisit pas – de tuer. Et puis tuer est un peu fort, très vrai, mais un peu fort.
À certains endroits, à certains moments, une brèche. Quelque chose tranche. Écrire, là.

 

2 mai 2016

 

Écrire n’est jamais un choix.
Si tu choisis d’écrire, abstiens-toi – c’est à moi que je parle, toi, fais comme tu veux.
Écrire – m’écarteler l’esprit, le coeur, de la coexistence insensée des fragments du réel. Étendre le linge – calme doux du quotidien exalté jusqu’à la fadeur nauséeuse. Lire un article dans le journal : des morts, des scènes de guerre, ce n’est pas un film, répéter “ce n’est pas un film” jusqu’à ce que la nuit se lève, jusqu’à ce que la nuit se couche, jusqu’à ce que ma langue craquèle de sécheresse et mes cordes vocales tendues, tendues, tendues, cèdent. Lire Mouawad malgré les scènes de torture qu’il ne peut extraire de la vérité de ses textes – familles torturées. Interdire à la pensée qui se fraie un chemin entre les scènes de torture, se fraie un chemin dans mon esprit vers, jusqu’à l’idée de ma famille – couper la pensée qui se fraie un chemin, se faufile, sournoise, la couper avant qu’elle n’ait percé mon cerveau de part en part – la douleur tournoyante perfore, mèche à métaux.

 
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