Corps / incandescence – extrait 1

Lui
Je suis sorti toutes les nuits. Plus que jamais. Brûler quelque chose qui restait en moi.
Quelques nuits plus tard, je l’ai rencontrée. Il s’est passé alors ce que tu attendais qu’il se passe, je crois ? Un instant j’ai douté, me suis demandé si ce n’était pas à toi que cela était destiné, ce qu’il s’est passé. Mais elle, elle… elle était tellement vivante. Le doute s’est évanoui.


Elle
Que s’est-il passé ?


Lui
Je ne sais pas si je me rappelle bien. Il y a vingt ans…
Et il y a eu tout le temps de vingt ans, toute la suite, alors je ne sais plus bien. Je suis avec elle, encore.
Lire la suite…

Fragments – extrait 1

La jeune fille

je parle votre langue, aujourd’hui je parle votre langue, quelle qu’elle soit je la parlerais, aujourd’hui. Oui, ils sont partis, ils sont à l’hôpital, autour d’un corps beaucoup trop petit, et non je ne les rejoindrai pas, non. Je sais déjà, je veux me garder encore, encore un peu, de savoir.

J’ai dormi chez une amie. J’ai une amie en ce pays, je n’aurais pas cru, après tant de pays traversés, trouver une amie. Dans le parc là-bas, nous nous sommes croisées, elle a vu quelque chose dans mes yeux, et moi dans les siens.
Je sais que c’est dans les films, ça, dans les romans, mais non, ce n’est pas du tout, pas du tout, comme dans les films.

Lire la suite…

Fragments- extrait 2

La jeune fille

J’ai marché, marché, il n’y a de sens à rien, l’horreur, marcher. Assise serrée contre les autres, dans des camions, des coffres, je ne sais plus. À la fin je préférais marcher, un semblant de sens, un pas devant l’autre.
des routes, tant de routes, des lieux, tant. Des visages.
Et là, ici, dans l’escalier. Dans l’escalier ?

Lire la suite…

Entre – extrait 2

Sonia s’arrête trois marches avant le palier. Elle, qui monte les escaliers à sa suite, heurte son dos. 

  • Pardon…
  • Pardon… J’ai à te demander… ma sœur est là, elle s’occupe des enfants pendant que je travaille. Il faudra bien que je lui dise… Comment t’appelles-tu ? Je te présenterai, je lui dirai “voici ma collègue”, je peux dire cela, n’est-ce pas ? Il faudra bien que je lui dise quel est ton nom. Quel est ton nom ?
  • Nadja.
  • C’est ton vrai nom ? Je veux dire, il y a un nom de travail, toujours, non ? Est-ce ton nom de travail, est-ce ton vrai nom ? Est-ce toi qui l’as choisi ?
  • Les deux, un peu les deux. Je ne savais pas quel nom choisir, je les ai laissés choisir, ils ont dit “Nadja”. Ils ne connaissaient pas le nom d’avant. Le nom d’avant, c’est le même. Mais le nom d’avant…
  • Il n’existe plus ?
  • Non. Le nom d’après l’a remplacé, effacé.

Lire la suite…

Entre – extrait 1

Elle se glisse un peu vers la droite, sur le siège en cuir. Elle incline la tête et regarde par-dessus l’épaule du chauffeur. Le fracas de la pluie sur la tôle, malgré l’habitacle calfeutré, l’a réveillée. Par la vitre de la portière elle ne voit que de l’eau, projetée en tous sens.
Le clignotant. La voiture se déporte un peu vers la gauche, dépasse le camion. La pluie, battante. On roule vite, presque aussi vite que sans pluie. L’habitude, les horaires, des rendez-vous, l’habitude. Pourquoi ralentir ? La pluie tombe. Elle tombe de partout à partout. Elle est sur la vitre, elle est sur le sol, elle est soulevée par les roues en tourbillons verticaux, en explosions éternelles. L’eau tombe de partout à partout, partout sur la route, et de la route soulevée en tous sens, envoyée en tous sens, explosée.
Lire la suite…